Dr Mendelsohn : Ch13 - Protégez la vue de vos enfants
Chapitre 13
PROTEGEZ LA VUE DE VOTRE ENFANT
Vous considérez sans doute, et nous sommes tous dans ce cas, la vue comme l’un de vos biens les plus précieux. Vous ne pouvez même pas imaginer que votre enfant perde la sienne. Ce souci vous honore et il est important de surveiller sa vue, comme d’éviter les traitements inappropriés.
A la naissance, la vue des bébés est développée, mais ils distinguent mal les détails, la coordination entre les yeux et le cerveau n’étant pas encore assurée. La capacité totale de la vision n’est atteinte que vers l’âge de cinq ans.
Les verres correcteurs sont inutiles avant cet âge, sauf dans le cas d’un défaut spécifique ou lorsqu’il y a une différence de vision entre les deux yeux.
Les trois problèmes de vue les plus fréquents – la myopie, l’hypermétropie et l’astigmatisme – sont dus à la forme de l’œil et ne sont ni une faiblesse, ni une maladie.
La distance trop grande entre cornée et rétine cause la myopie. Si la distance est trop courte, il s’agit d’une hypermétropie. L’astigmatisme est dû à une irrégularité de la cornée. Tous ces petits défauts peuvent être corrigés par des lunettes ou des verres de contact et aucun ne constitue un danger pour l’avenir.
Près de 10% des enfants ont besoin de lunettes, mais le fait de ne pas porter de verres correcteurs n’aggrave pas le problème. L’hypermétropie diminue souvent lorsque l’enfant devient adulte, vers l’âge de 21 ans ; la myopie s’aggrave souvent, puis se stabilise à peu près au même âge.
LE STRABISME SE CORRIGE EN GENERAL TOUT SEUL
Durant les premiers mois de la vie, les yeux de l’enfant peuvent fonctionner de manière indépendante, ce qui inquiète les parents. Ces mouvements incoordonnés sont pourtant tout à fait normaux et c’est au troisième mois que les yeux devraient commencer à fonctionner à l’unisson.
Certains enfants présentent cependant un strabisme alternant où l’un ou l’autre œil ne suit pas la direction du regard. Cela se corrige presque toujours spontanément vers l’âge de 5 ans. Un traitement – notamment chirurgical – est inutile, quoi qu’en dise le médecin.
Lorsque l’un des yeux reste dans un coin et n’est pas utilisé du tout, c’est plus ennuyeux, car il pourrait ne plus fonctionner du tout si l’on n’intervient pas. On appelle amblyopie cette absence de vision normale où la structure oculaire et le nerf optique sont normaux, mais où l’œil ne transmet pas au cerveau les stimuli visuels. On peut habituellement corriger cette amblyopie en recouvrant le « bon œil », ce qui oblige à utiliser l’œil « paresseux ».
On peut atteindre le même résultat par des exercices oculaires (exercices orthoptiques) ou grâce à la chirurgie, quand toutes les autres mesures ont échoué. Il est important que le strabisme vrai, qui peut conduire à l’amblyopie, soit corrigé quand votre enfant entre à l’école. Dans ce cas, amenez-le à un ophtalmologiste compétent.
Assurez-vous cependant que celui-ci n’utilise la chirurgie qu’en tout dernier ressort, quand tout le reste a été tenté.
Avant de soumettre votre enfant à un traitement, assurez-vous qu’il s’agit bien de vrai strabisme, avec un œil fixé dans un coin, et non d’un strabisme alternant. En effet, j’ai vu trop de cas de strabisme alternant, chez des enfants de deux ou trois ans, que des médecins ont voulu corriger à tout prix – même chirurgicalement – alors que ce problème se résout spontanément avant l’âge de 5 ans.
Dans ce livre, je souhaite vous éviter les interventions médicales inutiles, mais lorsqu’un avis médical est nécessaire, je vous conseille vivement de le prendre. C’est le cas pour les traumatismes de l’œil. Lorsque votre enfant souffre d’un traumatisme sévère de l’œil, vous ne devez pas tenter de le traiter vous-même, et votre pédiatre non plus.
Cherchez d’urgence un ophtalmologiste compétent, car un traitement d’amateur fait par la famille ou un médecin non spécialiste peut avoir pour résultat des conséquences irréversibles.
En cas de blessure oculaire, la seule chose que vous puissiez faire est de placer une compresse chaude et humide sur l’œil ou de le laver avec de l’eau stérile dans le cas d’une brûlure chimique ; que quelqu’un téléphone pendant ce temps à un ophtalmologiste ou à un service d’urgence d’un hôpital en décrivant la blessure pour savoir si vous devez faire autre chose avant d’amener l’enfant.
Si le problème est un petit corps étranger dans l’œil et que les larmes de votre enfant ne suffisent pas à l’en débarrasser, essayez de le faire en retroussant les paupières et en faisant gicler de l’eau – préalablement bouillie et refroidie – à l’aide d’une pipette stérile. Soyez particulièrement attentif à la paupière supérieure, car c’est là que les corps étrangers se logent le plus souvent. Si vous n’y arrivez pas, essayer d’empêcher votre enfant de se frotter l’œil et amenez-le chez le médecin – il risque de se blesser si l’objet est piquant ou abrasif –.
LA PLUPART DES PROBLEMES OCULAIRES SONT TRAITES AVEC EXAGERATION
En dehors du domaine des blessures oculaires, les médecins tendent à surtraiter les problèmes des yeux, comme tous les autres problèmes de santé.
De nombreux enfants subissent le désagrément de porter des lunettes et la moquerie de leurs camarades à cause de médecins qui leur imposent des verres correcteurs dont ils n’ont pas besoin. Une étude tout à fait sérieuse, portant sur 2000 enfants et 300 pédiatres, a montré que 7 enfants porteurs de lunettes sur 10 n’en avaient retiré aucun bénéfice, probablement parce que leur trouble visuel n’était pas suffisant pour exiger une correction. 40% des enfants testés n’avaient pas une vision correcte avec leurs lunettes !
Les pédiatres demandent aux parents des efforts inutiles et coûteux en exigeant que les yeux de leurs enfants soient examinés chaque année. Le seul bénéficiaire de cette démarche ridicule est le médecin ! A moins que votre enfant n’ait un problème évident, il est absolument inutile de contrôler régulièrement sa vue et en tout cas pas chaque année.
Il est raisonnable de faire un contrôle de la vue à l’âge de 4 ans, lorsque les tests commencent à être possible et à l’âge de 9 ou 10 ans. Aucun autre examen n’est nécessaire à moins qu’un problème de vision ne soit suspecté, à l’école ou à la maison. Pour les adultes, il est raisonnable de faire un examen tous les 10 ans jusqu’à 40 ans, puis tous les 5 ans.
Les médecins ont également tendance à surtraiter des maladies des yeux qui sont causés par des allergies ou des irritations. Le problème le plus fréquent chez l’enfant est la conjonctivite, due en général à des allergies ou, parfois, à des infections virales ou bactériennes. Les enfants peuvent développer des conjonctivites chroniques s’ils sont exposés à des fumées de tabac ou à d’autres formes de pollution de l’air ou, encore, à une fatigue oculaire ou un sommeil insuffisant.
La conjonctivite allergique peut être due à des pollens, des poussières, des poils d’animaux, des médicaments, des cosmétiques, des aliments, des additifs chimiques, l’eau des piscines ou d’autres allergènes. Elle est, en général, caractérisée par des démangeaisons et une rougeur au niveau des yeux, sans autre écoulement que des larmes.
La conjonctivite printanière est saisonnière, comme son nom l’indique. Elle apparaît au printemps, continue pendant l’été et disparaît en automne. Les symptômes en sont des démangeaisons, un larmoiement, une sensibilité à la lumière et un écoulement muqueux, mais non purulent.
La conjonctivite catarrhale, qui est contagieuse, est la plus ennuyeuse. Les yeux de la victime sont rouges et sensibles à la lumière. Ils démangent et brûlent et il en coule un mucus épais ou du pus qui peut s’accumuler au bord des paupières.
Il n’est pas rare que les enfants souffrant de cette forme de conjonctivite ne puissent pas ouvrir les yeux quand ils se réveillent le matin, car leurs paupières sont collées. Votre enfant sera sans doute effrayé et il faudra le rassurer. Il est évident que des mesures d’hygiène, comme ne pas se servir des mêmes linges de toilette que lui, doivent être appliquées afin d’éviter la contagion pour les autres membres de la famille.
Vous n’avez pas besoin de savoir distinguer les différents types de conjonctivites, mais si votre enfant en présente souvent, vous devriez suspecter et rechercher une cause allergique. Aucune de ces conjonctivites n’exige un traitement médical immédiat, mais si l’écoulement purulent de la conjonctivite catarrhale persiste pendant plusieurs jours, il vous faudra peut-être voir votre médecin pour une prescription d’antibiotique local. Dans la plupart des cas, le nettoyage des yeux avec de l’eau stérilisée et un chiffon propre suffira.
Si vous suspectez une réaction allergique, examinez de près l’histoire de votre enfant pour essayer d’en comprendre la cause. Recherchez des changements d’activité, des changements de lieu, des changements alimentaires ou la présence de nouveaux médicaments ou de conditions nouvelles ou d’événements nouveaux dans les jours qui ont précédé le problème. Vous pouvez le faire mieux que votre médecin.
L’orgelet, infection des glandes sébacées du bord des paupières, constitue une autre affection fréquente chez les enfants. Il débute par une sensation comparable à celle d’un corps étranger dans l’œil, puis l’enfant commence à pleurer, son œil est irrité et rouge. Enfin, une lésion semblable à un petit bouton se forme sur le bord de la paupière. Aucun médicament n’est indiqué, mais l’application de compresses chaudes pendant 10 à 15 minutes, 4 ou 5 fois par jour, sera normalement efficace pour limiter, drainer et faire disparaître l’infection.
On emploie parfois des solutions d’acide borique ou de sel d’Epsom, mais de la simple eau stérile va tout aussi bien.
IDEES FAUSSES SUR LA VUE
Les mythe concernant la vue font perdre beaucoup de temps et d’argent aux parents. Nombre de ces fausses croyances sont sources de tension entre les parents et les enfants. Aucune, cependant, ne repose sur une base scientifique.
Par exemple :
- Lire dans une mauvaise lumière abîme les yeux.
- Lire trop longtemps abîme les yeux.
- S’asseoir trop près d’un écran de télévision abîme les yeux. (Evitez-le quand même, car aucune recherche objective n’a été faite sur les dangers potentiels à long terme des radiations de la télévision.)
- Lire dans un véhicule en marche abîme les yeux.
- L’exposition à des flashes ou à une lumière artificielle intense abîme les yeux.
- Porter les lunettes de quelqu’un d’autre abîme les yeux.
- Porter des lunettes de fantaisie abîme les yeux.
- Ne pas porter ses lunettes abîme les yeux.
- Porter des lunettes affaiblit progressivement les yeux.
- Si un corps étranger n’est pas enlevé rapidement, il peut se perdre derrière l’œil. (C’est impossible, car la conjonctive sépare la partie visible de l’œil du fond de l’orbite. La seule ouverture est le canal lacrymal, minuscule, par lequel coulent les larmes.)
- Manger des carottes améliore la vue. (Si cela peut vous aider à persuader votre enfant de manger ses légumes, vous pouvez perpétuer ce mythe !)
Il y a déjà tellement de situations dans lesquelles les parents doivent dire non à leurs enfants qu’il est inutile de multiplier les tensions à cause de mythes de ce genre.