Dr Mendelsohn : Ch 15 - Le Squelette
Chapitre 15
LE SQUELETTE
chasse gardée des orthopédistes
De même que vous prenez au sérieux le développement intellectuel de votre enfant, vous êtes sans doute sensible à tous les aspects de son apparence et de son développement physique. Vous observez attentivement à quel âge votre enfant se retourne, se redresse, marche à quatre pattes, puis debout. Si votre enfant présente une caractéristique physique qui vous paraît anormale ou un retard dans l'acquisition des étapes motrices, vous vous inquiétez.
Ne perdez pas votre temps à faire des comparaisons entre votre enfant et les autres. Si le bébé de votre voisin marche très tôt, et plus tôt que le vôtre, cela ne signifie pas qu'il soit plus intelligent ou physiquement supérieur. Il n'y a pas de relation entre le rythme variable du développement et les dons intellectuels ou les capacités physiques réelles de l'enfant.
Les jeunes mères, surtout s'il s'agit de leur premier enfant, portent une grande attention à l'apparence physique de leur bébé. Elles viennent souvent me voir pour me parler de leur souci au sujet des pieds plats, des jambes en arc ou des orteils en marteau, supposés « anormaux» et nécessitant une correction.
Ces anomalies imaginaires font le bonheur des pédiatres et des orthopédistes de choc. Bien des médecins interviennent activement avec des plâtres, des attelles, des chaussures correctrices et recourent même à la chirurgie pour « corriger» des situations qui, avec le temps, s'arrangeraient d'elles-mêmes. Protégez votre enfant du zèle des orthopédistes, car leurs interventions sont rarement nécessaires et souvent traumatisantes.
Le fait que votre enfant ait les jambes arquées à un an ne veut pas dire qu'il aura l'aspect d'un cow-boy à l'âge adulte!
Les parents sont parfois influencés par des idées fausses, transmises de génération en génération. On pense par exemple qu'un enfant aura les jambes arquées s'il marche trop tôt. Cela n'est fondé sur aucune preuve scientifique. Au contraire, le fait d'encourager un enfant à marcher relativement tôt, l'aide probablement à développer son sens de l'équilibre. Il est également faux de croire qu'un gros paquet de langes peut déformer ses jambes.
A la naissance, pratiquement tous les bébés ont les jambes arquées et les pieds en dedans à cause de leur position fœtale dans l'utérus. Des coussinets graisseux sous la voûte plantaire ressemblent à des pieds plats. Si les parents ne connaissent pas le cours normal du développement des membres inférieurs, il n'est pas étonnant que ces anomalies les inquiètent.
DÉVELOPPEMENT DES JAMBES
Lorsque le bébé est né, ses jambes vont passer par quatre stades de développement. Jusqu'à l'âge de 12 à 18 mois, les jambes arquées sont très fréquentes et c'est le développement des muscles, grâce à la marche, qui les fera se redresser. Entre 18 et 24 mois, les jambes arquées se transforment souvent en genoux rentrés, qui peuvent persister jusqu'à l'âge de 12 ans. Plus tard, les choses se rééquilibrent et les jambes tendent à se redresser.
Il est évident que ces étapes de développement donnent au médecin l'occasion d'intervenir pour traiter des problèmes qui se corrigeraient d'eux-mêmes avec le temps. Les différences énormes de développement d'un enfant à l'autre profitent au médecin. Un spécialiste lucide parle, à ce sujet, des « limites de l'orthopédie ». Il n'existe pas de définition exacte de ce qui est normal ou anormal, pas plus qu'on ne peut définir un nez ou des oreilles « normales ».
A moins que votre médecin ne pose un diagnostic d'anomalie physiologique spécifique et ne réussisse à vous démontrer la nécessité d'un traitement, aucune mesure corrective pour des jambes arquées ou rentrées ne devrait être mise en œuvre avant l'adolescence. Dans presque tous les cas, les choses s'arrangent d'elles-mêmes avant cette période.
Si les jambes rentrées persistent pendant l'adolescence, il est probable que le poids est en cause. Cet enfant n'a pas besoin d'un orthopédiste, mais d'un diététicien, rôle que les mères peuvent fort bien assumer. Il y a quelques exceptions: pieds bots, maladies neurologiques, défauts de l'ossification, qui sont des maladies spécifiques sortant de la norme.
LES CHAUSSURES N'ONT PAS D'IMPORTANCE
Pour se convaincre de l'importance que les parents accordent aux pieds de leurs enfants, il suffit de voir un bébé de deux mois couché dans son berceau avec une paire de bottines à 20 dollars. L'enfant ne marche pas, mais il est équipé à grands frais comme pour une course de vitesse! Il y a là un élément de vanité, bien sûr: les souliers de bébé sont très mignons et tant pis s'il a les pieds enfermés.
La plupart des parents semblent penser que leurs enfants auront des problèmes plus tard s'ils n'ont pas, dès la naissance, de « bons souliers ». Il est inutile de dire que les fabricants ne font rien pour démentir ces affirmations. L'industrie de la chaussure bénéficie du fait que des millions de paires de souliers vendus chaque année sont destinés à des enfants dont un million (aux Etats-Unis) de souliers correctifs inutiles et coûteux.
Les souliers, qu'ils soient chers ou bon marché, ne sont pas essentiels au développement du pied. Les aborigènes, qui marchent pieds nus, ont de meilleurs pieds que les millionnaires, chaussés à la mode. Le seul but des souliers, à part l'élégance, est de protéger les pieds des accidents ou du froid. Il est donc inutile de dépenser de grosses sommes pour les chaussures de vos enfants. Des souliers en toile vont tout aussi bien.
Des souliers hauts, très chers, n'aideront pas au développement des pieds de votre enfant et des tennis bon marché ne causeront pas de pieds plats, ni de mycoses des orteils, comme beaucoup de parents semblent le penser.
Une étude portant sur 104 bébés normaux observés en consultation a montré que 87% d'entre eux portaient des souliers hauts, 74% des souliers à semelles dures et 50% des supports plantaires. 73 enfants portaient des chaussures avant de marcher et 35 avant même de pouvoir se tenir debout. Aucun de ces enfants n'a retiré un avantage physique du port de chaussures.
Il est même possible que les souliers hauts et les semelles dures aient retardé le développement des chevilles et, donc, l'apprentissage de la marche.
Dans la plupart des cas, le port de souliers correctifs est encore moins utile.
Il n'existe aucune preuve que les semelles correctrices placées dans les chaussures, qui coûtent très cher, aient une influence sur les "anomalies" des pieds (si celles-ci peuvent être réellement définies), sauf dans les cas de pied bot ou d'autres malformations vraies. De plus l'enfant qui les porte peut en souffrir psychologiquement, de même que du port d'un plâtre ou d'attelles.
Les cas les plus souvent traités à tort chez les enfants sont les jambes arquées ou rentrées, ainsi que les orteils en marteau.
Mais il en existe d'autres qui sont souvent diagnostiqués à tort et traités à l'excès, par exemple la dysplasie congénitale de la hanche chez les nouveaux-nés dont le fémur ne se relie pas au bassin d'une manière absolument normale. La vraie dysplasie de la hanche se rencontre le plus souvent après des accouchements difficiles par le siège, si l'articulation du bassin est déplacée. L'obstétricien devrait intervenir immédiatement en soulevant l'enfant par les chevilles pour que l'articulation déplacée se remette en place.
Dans plupart cas, le problème est résolu par cet acte. La dysplasie congénitale de la hanche - dans laquelle la dislocation de l'articulation persiste - est très rare, bien qu'elle soit fréquemment diagnostiquée. Des études montrent qu'il n'existe pas plus d'un cas sur 1000 ou 2000 enfants.
On fait le diagnostic en plaçant l'enfant sur le dos, genoux fléchis et pieds à plat sur la table d'examen. On écarte alors les genoux et si l'un ou les deux résistent, on suspecte une dysplasie. Le problème peut se corriger si l'on place un coussin ou un lange roulé entre les jambes.
Mais il existe des pédiatres agressifs qui ne se contentent pas de ce simple traitement. Ils recourent à plusieurs radiographies exposant ainsi imprudemment l'enfant aux rayons et utilisent des attelles et des plâtres correcteurs.
Méfiez-vous de ces traitements, en général inutiles, car les plâtres peuvent causer une atrophie musculaire, des problèmes circulatoires et des troubles émotionnels.
LA SCOLIOSE EST SOUVENT DIAGNOSTIQUÉE A TORT
Une autre mode fréquente chez les pédiatres est de diagnostiquer des scolioses. Cette affection, qui touche plus souvent les filles que les garçons, est une courbure latérale de la colonne vertébrale qui peut se voir en observant de dos la posture de l'enfant. On recherche si :
- une omoplate est plus haute que l'autre ou proéminente;
- les plis de la taille sont asymétriques;
- les hanches sont asymétriques;
- on voit clairement la courbure latérale de la colonne vertébrale;
- un des côtés du dos ou des épaules est plus haut que l'autre quand l'enfant se penche en avant.
Pendant les premières années de ma pratique médicale, on diagnostiquait et traitait rarement des scolioses durant l'enfance. De nos jours, la maladie devient épidémique à cause de la propension des médecins à faire de nombreuses radiographies de routine et parce que des examens de masses ont été introduits dans certains États.
Les médecins diagnostiquent des cas que l'on n'aurait jamais dépistés lors d'un examen physique ordinaire et, bien souvent, ils traitent des problèmes mineurs qui n'auraient pas besoin de traitement.
Je ne veux pas minimiser l'importance du traitement de la scoliose dans les cas sévères. Si elle n'est pas traitée, cette affection peut mener plus tard à des déformations importantes.
Je suis pourtant convaincu que les traitements inutiles de cas bénins représentent pour les enfants un plus grand danger que le fait de ne pas traiter les quelques cas sévères.
Si on diagnostique une scoliose chez votre enfant, ne le laissez pas subir un traitement avant d'être certain qu'il soit justifié. N'acceptez aucune forme de traitement sans vous renseigner sur les alternatives. Dans certains cas, il sera nécessaire d'employer un appareil métallique inconfortable qui tient l'enfant du menton jusqu'aux hanches, étirant et stabilisant la colonne vertébrale.
Je n'obligerais pas un enfant à porter cet appareil avant que d'autres mesures moins drastiques n'aient été essayées (biofeedback, exercices, thérapie musculaire profonde, thérapie par la danse, physiothérapie ou autres). Pour moi, la chirurgie ne doit être envisagée qu'après avoir essayé sans succès toutes les autres méthodes de traitement. Si votre médecin vous parle d'opération, sollicitez un second avis médical.
Sur le traitement des scolioses, mon conseil est celui que je donne dans tout domaine où les paramètres de la normalité sont relativement mal définis. Les médecins devraient se rappeler que « le mieux est l'ennemi du bien ». Demandez à votre médecin de justifier le traitement qu'il propose. Si vous n'êtes pas convaincu, n'hésitez pas à demander un second avis, même si cela demande un effort financier.